LE PONTON SUR LE MARAIS
LE PONTON SUR LE MARAIS

LE PONTON SUR LE MARAIS

Pièce n°1849
Écrite par Sol'stice
Explorée par Loan

 Quelque chose brille. Ma main ?
 — Eh oh ! La porte !
 Machinalement, je tire la porte, en réalité simple paroi de verre, derrière moi, coupant le passage à l’épaisse vapeur qui s’en échappe. Quand je regarde à nouveau ma paume, il n’y a plus rien. Plus de lumière, rien d’anormal. Ai-je rêvé ?
 — T’as vu quelque chose toi ?
 Le lutin hausse les épaules quand je baisse les yeux vers lui. Ça ne m’aide pas beaucoup. Étouffant un soupir, je prends enfin le temps de scruter autour de moi. La brume est toujours là, plutôt brouillard froid qui couvre la pièce de son manteau. Contrairement à précédemment, j’ai l’impression d’être à l’extérieur. À l’exception de celui dans mon dos, je ne sens aucun mur autour de moi. Mes semelles s’enfoncent légèrement dans le sol boueux, humide à l’image de l’air. L’eau s’infiltre dans mes chaussures, trempe mes chaussettes.
 — Bon…
Par où aller ? Comme d’habitude…
 — Une idée ?
 Bruits de grelot.
 — Le contraire m’aurait étonné, je t’avoue.
 Le lutin n’en prend pas ombrage. De nouveau, je regarde autour de moi, la nappe blanche qui bouche ma vue, soupire. Encore une fois, peu envie de m’avancer au hasard. Alors je tends l’oreille. Bruits d’eau, clapotis contre du bois, sur une rive, murmures, quelques notes de musique. Musique ? La musique m’intéresse. Car qui dit musique dit personnes, dit danse, dit peut-être danseuse.
 — On y va ?
 Acquiescement tintabulant. Au jugé, j’avance dans la direction d’où j’estime que la musique provient avec prudence. A chaque pas, mes chaussures s’arrachent au sol avec un bruit spongieux. Plus j’avance, plus je m’enfonce dans la boue et plus le bruit de l’eau se fait fort, couvrant les bribes de musique. Puis le son sous mes pas devient celui du bois. J’évolue désormais sur un ponton aux planches branlantes au-dessus d’eaux sombres. Il zigzague, rythmé de piquets, entre des herbes des marais et des joncs. Ceux-ci grincent sous le soufflement de vent, sifflent. 
 — Imagine, quelque chose sort de l’eau ? Ou m’attrape et nous y entraîne ?
 Je ne sais pas ce que je cherche, à jouer à me faire peur avec ce qui pourrait nous arriver de pire. Et si je glisse ? Et si je tombe ? Si une planche est si vieille et vermoulue que mon prochain pas la traverse ? Ma seule consolation est que rien de tout cela n’arrive, alors que je repose à nouveau les pieds sur la terre ferme. Enfin, aussi ferme que la boue glissante puisse être. Deux pas plus loin, une porte de bois est plantée au milieu. Je pose une main sur la poignée, me retourne en entendant un bruit.
 Une barque, au gré des courants sur lesquels elle dérive, vient de taper contre le poteau. Elle bute contre, incapable de franchir l’obstacle. Je reste là, longtemps, à la regarder sans bouger. Je n’ose pas. Je la fixe, persuadé que quelque chose se trouve à l’intérieur. Je suis terrifié. Puis les courants s’en saisissent à nouveau et l’emportent ailleurs. Je peux bouger à nouveau, libéré de l’étrange fascination. Avec un soupir soulagé, j’ouvre la porte. Quand je franchis la porte, j’entends murmurer derrière moi.
 — Quand est-ce que les roseaux reviendront ?

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2 commentaires

  1. Tiens, une pièce rando en saison de pluie ! On n’en a pas tant que ça !
    D’autant que c’est toujours un plaisir à lire, tu écris vraiment avec beaucoup de soin, notamment sensoriel. C’est chouette de prendre le temps d’écrire des pièces de passage, alors qu’on a en général tendance à préférer écrire de l’action ! 🙂

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