Pièce n°827
La Chatte qui Pêche as Poussière d’Étoile
La première chose que je vois est un petit tas de galets polis, identiques à ceux qu’on trouve à la mer. Alors que je me demande comment ils ont fait pour arriver là, mon regard rencontre une immense étendue d’eau bleue. Je sens un vent léger m’arriver sur le visage. Cette odeur légère, un peu piquante, c’est celle de l’eau salée. J’entends le léger clapotis des vaguelettes qui se brisent tout près de mes pieds. Impossible, je pense. L’océan ne peut pas se trouver dans le Château. Et pourtant, à part l’îlot de galets sur lequel nous nous trouvons, aussi loin que ma vue me le permet, je ne vois que la mer. Eau calme, petites vagues, sur des kilomètres et des kilomètres à la ronde. Un ciel très clair nous surplombe. C’est une vision incroyable, mais je ne m’en réjouis pas une seconde. La porte a disparu derrière nous. Pas d’issue en vue. Nous sommes coincés au milieu de l’océan.
« Fantastique, grommelle Om. Des idées pour nous sortir d’ici ? »
Question superflue, naturellement. On ne peut pas s’enfuir en nageant, puisqu’il n’y a aucune terre en vue. Esprit peut léviter, mais perdus dans l’océan elle s’épuiserait rapidement, et n’aurait pas moyen de se reposer. La seule chose à faire est de rester sur l’îlot.
Au bout d’une heure, nous n’en pouvons plus de nous morfondre en cette attente. Aucun de nous n’a envie de parler. On pense seulement qu’on ne résistera pas longtemps ici, où tout semble immobile, figé, et où il n’y a aucune des ressources indispensables, comme de l’eau douce et de la nourriture.
Om commence à faire des ricochets avec des galets. N’ayant rien d’autre à faire, je me mets à l’observer. Au premier essai, il en réussit trois. Au deuxième, cinq. Au troisième, je compte huit bonds, mais au milieu du neuvième un changement se produit. Le galet rebondit vers l’arrière, comme s’il avait cogné contre un obstacle invisible. Je me lève, intriguée.
« Esprit, tu pourrais aller jeter un coup d’œil là-bas, s’il te plaît ? »
Sans se faire prier, mon amie s’élève au-dessus de l’eau et se dirige vers le point qu’on lui indique. Quelques mètres plus loin, elle s’arrête et pousse un cri de surprise. On entend un bruit de déchirement, et Esprit se tourne vers nous, une expression ahurie sur le visage et un morceau de papier bleu à la main. Derrière elle, là où devait se trouver un fragment d’océan, il y a un vulgaire pan de mur en ciment.
« C’est une illusion, s’écrie Esprit. De l’îlot, on a l’impression de voir la mer, mais dès qu’on s’éloigne un peu, tout le mécanisme devient visible. Regardez, ce n’est que du papier peint et des miroirs!»
Et CRAAC, elle déchire un autre bout d’océan. Rapidement, elle fait le tour de la pièce, dévoilant quatre murs grisâtres avec quelques miroirs, un ventilateur dans un coin, des lumières au plafond, et même une sorte de radio qui imite le bruit des vagues. Nous ne sommes plus que dans une salle de dimensions moyennes, au milieu d’une petite mare.
« ÇA c’est de la magie » me souffle Om.
Je dois dire qu’il a raison. S’il n’avait pas commencé à faire des ricochets, on serait restés peut-être des jours sur ce tas de galets, convaincus d’être entourés par l’océan !
Esprit attire notre attention sur une porte en grillage métallique derrière le dernier morceau de papier peint. A travers les trous, on aperçoit ce qui ressemble à une cage d’ascenseur.
« Qu’en dites-vous, on en a assez de la mer ? »
Nous éclatons de rire, soulagés de cette heureuse conclusion.
« Prochaine destination, 83ème étage ! » s’exclame allègrement Om.
« J’ai toujours préféré la montagne » dis-je en souriant. Mais l’idée d’un probable combat contre le Château me rappelle des souvenirs plus néfastes.
« Bûche conteuse, je te vengerai. C’est promis ! » je pense fort avant de passer la porte.