LA PIÈCE OÙ UN ZOMBIE TIENT UNE AFFREUSE GALERIE D’ART CONTEMPORAIN
LA PIÈCE OÙ UN ZOMBIE TIENT UNE AFFREUSE GALERIE D’ART CONTEMPORAIN

LA PIÈCE OÙ UN ZOMBIE TIENT UNE AFFREUSE GALERIE D’ART CONTEMPORAIN

Pièce n°1795
Écrite par troispetitspoints

L’aventure de Jeanne-Ginette

En ouvrant les baies vitrées, je suis surprise de constater que le soleil éclaire amplement la galerie. Sa course est-elle si avancée ? Quel temps ai-je donc perdu sur le balcon ? Ma belle Juliette doit être déjà loin, il me faut me dépêcher. J’avance du plus vite que je peux, chacun de mes pas est entrecoupé du « toc » de ma canne sur le parquet. Je baisse les yeux et pince les lèvres de désapprobation. Le sol a beau sembler être d’une essence bois noble, il est ternis et rayé. En parlant de noblesse, j’aperçois dans un coin un graffiti de guillotine dessiné au feutre. Quel petit chenapan a bien pu souiller le sol ainsi ! M’agenouillant doucement malgré mes genoux grinçants, je sors de mon sac mon indispensable pot de savon noir et me dépêche d’effacer l’infâme épigraphe

« Madame !! Comment osez-vous vous approchez si près de l’œuvre phare de la galerie Pierre Robes !

Relevant la tête, je laisse échapper une exclamation choquée devant l’accoutrement rapiécé et la coiffure négligée de l’homme zombifié m’ayant adressé la parole. Une de ses grasses mèches de cheveux tombe à mes pieds et je me recule, écœurée.

— De quelle œuvre parlez-vous jeune homme ? Traitez-vous d’œuvre le vilain graffiti de guillotine qui abîmait ce parquet de séquoia ? Regardez comme il brille après avoir passé un peu de savon noir !

Je désigne fièrement de la main la zone que recouvrait le dessin, désormais propre et brillante. Le zombie pousse un grand hurlement, probablement d’émerveillement devant les miracles de ce produit.

« Oui, comme vous vous exclamez, c’est magique ! Le savon noir permet de nettoyer et faire briller, imaginez un peu si tout le parquet de votre couloir était récuré et pouvait briller ainsi ! »

Monsieur le zombie semble si enthousiaste qu’il pleure à chaudes larmes à en tremper le sol. Je le sermonne gentiment

« Comment cela Monsieur, n’avez-vous pas de mouchoirs ? Tenez, empruntez le mien. Lavez-le à 90° avant de me le rendre, vous ne pouvez pas le confondre avec un autre, il est monogrammé à mes initiales et à celles de ma bien aimée. D’ailleurs l’avez-vous vue ? Une dame de mon âge, habillée d’une longue robe pourpre et de… Mais enfin ! Ne tentez pas de mordre comme cela ! Goujat ! Malotru ! GOUGNAFIER, lâchez mon étui à tasse de thé ! »

Je tiens comme à la prunelle de mes yeux à cet étui que je porte sur le côté de ma ceinture, où je range ma tasse à thé (et la coupelle assortie, mais est-il nécessaire de préciser cette évidence). Le zombie, dont les yeux rouge me ferait presque douter de l’émotion l’agitant pareillement, l’agrippe de ses doigts décomposés pour le tirer à lui.

Je lui assène quelques coups de canne sur lesdits doigts, qui se séparent du reste de la main et s’agitent quelques temps sur le sol. Je rajouter une gifle de sac à main (pour éviter un contact potentiellement pathogène. J’ignore encore beaucoup de la transmission des virus zombie). Faisant très exactement l’inverse de ce que j’ai appris et appliqué durant mes 77 ans d’étude du self-défense, je tourne le dos au zombie et m’enfuie du plus vite que mes genoux le permettent.

Jetant quelques instants plus tard un regard derrière moi, je constate que heureusement le zombie marche bien plus lentement que moi. J’ai le temps de jeter un œil aux horreurs qui ornent le mur. Comment est-ce possible que ce que certains nomment « art contemporain » soit exposé ainsi. J’observe quelques temps un tableau composés de taches de peinture d’un vert très clair, d’une couleur identique aux yeux de ma Juliette. Les larmes me montent aux yeux ; où est ma bien aimée ?

Redonnant un nouveau coup de sac à main sur la tête du zombie, qui valdingue et va recouvrir le tableau d’en face d’une couche de sang verdâtre, je me penche vers le tableau et soupire. Une effluve chatouille mes narines, et je sursaute. C’est le parfum de Juliette ! J’ai presque envie d’enlacer le tableau. Cette proximité permet à mes yeux de vieille dame de repérer une tache noire sur le côté. N’ayant pas de scrupules à toucher ce que certains s’obstinent à appeler « art » (et le gardien ayant re-succombé à mes coups), je frôle la tâche du bout des doigts. A ma grande surprise, elle est en relief. Ce n’est pas une tache mais un bouton de porte. Je le tourne et pousse l’étrange tableau-porte qui peut-être m’ouvrira le chemin vers ma Juliette.

Partager...

5 commentaires

    1. J’allais proposer « vieille et badass » mais ça ne résume pas tout de Jeanne-Ginette… Toujours pleine de surprise notre aventurière
      Pas toutes, mais certaines oui, ce qui a un rôle désinfectant plutôt pas mal pour certains textiles types mouchoirs tissus pleins de morve et bactérie x)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

CHÂTEAU CENT MILLE PIECES

GRATUIT
VOIR