LA GROTTE DU ZOMBICAT
LA GROTTE DU ZOMBICAT

LA GROTTE DU ZOMBICAT

Pièce n°1811
Écrite par Libellule
Explorée par Jeanne-Ginette

L’aventure de Jeanne-Ginette

Je glisse le long du toboggan, dont la paroi abrupte m’irritent les jambes. La sensation de glissade est presque amusante, mais la brûlure du plastique m’agace en premier lieu. À l’arrivée, je ne manque pas de l’exprimer.

« Seigneur doux Jésus, il faudrait l’entretenir, votre aire de jeu pourrie ! C’est du sport, là, moi je ne suis plus toute jeune ! »

Un râlement sourd accueille mon agacement.

« Oui ? Mais encore ? »

Un grognement me répond. Je comprends que j’ai sûrement trouvé les fameux personnels de nettoyage dont la secrétaire me parlait.

« Ah ! Me voilà ravie de vous rencontrer ! J’ai beaucoup de respect pour votre métier, c’est très bien, ça, personnel de nettoyage. Ça ne doit pas être simple de le faire dans ce taudis. J’espère au moins que vous avez de bonnes conditions de travail ! »

Un grondement fait écho, accompagné de bruits de pas. Les sons semblent vaguement se rapprocher. Intriguée, j’ouvre l’oeil et explore du regard la pièce où je viens d’atterrir. Assez vite, je constate que le plafond semble rocheux, et le sol également. Les aspérités de la roche et l’atmosphère froide et humide me confirment que j’ai bel et bien atterri dans une grotte.

« Ce taudis n’a donc aucune limite ! Une grotte, non mais c’est n’importe quoi ! »

Tout d’un coup, au fond de la pièce, j’aperçois une ombre vaguement humaine se rapprocher en claudiquant. Je crois deviner le reflet de deux longues nattes, et mon cœur s’accèlère subitement. Serais ce Juliette, que j’avais cru apercevoir plus tôt ? À l’idée de la revoir enfin, mes yeux se remplissent doucement de larmes. L’estomac noué, arrivant à peine à y croire, je balbutie son prénom.

« Ju… Juliette ? »

Soudain, la silhouette apparaît au détour du chemin, et se tient alors à quelques mètres de moi. Je reviens subitement à la réalité : il s’agit d’un zombie, qui porte deux longues nattes quasiment similaires à celles que Juliette se faisait chaque jour.

« Non mais je radote ma parole ! Ça suffit, Gigi, il s’agit de passer à autre chose. Et puis pourquoi ça me rend toute chose, ce n’était pourtant qu’une très bonne amie… »

La zombie grogne en retour, et je m’aperçois que je suis en train de premièrement, radoter, et deuxièmement, parler toute seule.

« Excusez moi très chère, me voici bien embarrassée ! Je vous promet que je n’ai pas encore perdu toute ma boule. Enchantée, Jeanne-Ginette, vous pouvez m’appeler Gigi. Vous êtes personnel de ménage, c’est bien ça ? »

La zombie sursaute. Elle me fixe avec de grands yeux plein de surprise. Quelques secondes s’écoulent, au cours desquelles j’attends une réponse qui ne vient pas.

« Peut être que tu l’as perdue, toi, la boule… en même temps, travailler dans cette infâme masure toute la journée ne doit pas être de tout repos. J’espère que la convention collective est avantageuse, et que vous avez un bon syndicat. »

J’aperçois alors une deuxième, puis une troisième silhouette se tenir aux côtés de la zombie. Tous et toutes me toisent de leurs grands yeux vides, plein d’interrogation et d’une pointe d’émotion. Tous et toutes gémissent en cœur :

« Travai… quoi ? »

Consternée, je leur demande :

« Attendez, vous me dites que vous n’avez même pas de contrats de travail ? Ni de salaires ? »

La colère me glace le sang. Comment cette infâme secrétaire a-t-elle osé exploiter des personnes aussi vulnérables ?

« N… non…. Contrat-quoi ? »

Pas de contrat de travail, pas de droits? Comment est ce seulement possible ? Seul un patron sans scrupule pourrait exploiter ses salariées de manière aussi indécente. Outrée, je ne vois pas d’autre issue que leur partager mon avis honnête.

« Chères zombies, ce que vous me partagez là est extrêmement grave et ne peut rester impuni. Il vous reste alors deux solutions, qui ne ont pas incompatibles : un procès aux prud’zombi-es pour réclamer votre du, et une grève reconductible pour faire pression sur votre hiérarchie. J’ai été syndicaliste pendant 30 ans, je pourrais vous accompagner dans tout cela. Qu’en pensez vous ? »

Les zombies, désormais nombreuses, s’amassent devant moi. Une première zombie commence :

« G… grève gggénééraaale… Salaaire, argent… Pllluuuus traaaavaaaailllleeeeer…. »

Une deuxième continue :

« J’aaaai peeeensééé à uuuunnnee chaaannsooonnn…Chateau siiiii tuuuuuu savaaaaais, ton travaaaaaaail, ton travaaaaaail, chateaaaaauuu siiii tuuuu saaavaiiis, tooonnn traaaavaaail oooooùùù ooonnn ssssseee llleeee meeeetttt… »

Peu à peu, les zombies reprennent ces quelques mots, et les répètent en boucle, pour se donner du courage. De trois à chanter, elles passent à six, puis à douze, puis à trente, puis à toutes ensemble.

« Force et courage à vous. De mon côté, je vais y aller, mais si vous voulez, je retournerai dans ce taudis pour vous soutenir. Je vous laisse mon contact ? Je connais aussi de bons avocats, pour votre procès au prud’zombies. »

La première zombie me tend son smartphone, j’y note mon numéro. Elle me sourit, et m’indique de la main une aspérité de la roche.

« C’eeessstttt par lààà…. »

Je me dirige vers le creux, et m’y penche. J’aperçois alors un second toboggan, qui me semble logiquement être le chemin vers la sortie. Je m’y engouffre, et entend un dernier râlement collectif avant d’apercevoir la lumière du jour :

« Meeeerciiii.. Giiiigiiiii. »

Autrice : Libellule

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