UN AUTRE PLACARD À BALAIS
UN AUTRE PLACARD À BALAIS

UN AUTRE PLACARD À BALAIS

Pièce n°1848
Écrite par Lev
Explorée par Louvelo

Je me réveille dans un placard à balais.

Oui, rien à faire, c’est bien un placard à balais. Il y fait sombre, mais pas au point de ne pas voir les manches à balais, serpillères et flacons odorants et poisseux de produits d’entretien divers qui encombrent l’espace exigu. Je reconnais, dans le mélange confus d’odeurs qui assaille mes narines, le parfum âcre et familier du vinaigre ménager. Les poils hirsutes d’un vieux balai à franges me chatouillent le bras gauche, douloureusement replié contre ma poitrine, et ma jambe droite, coincée contre l’une des parois du placard, s’endort sous le poids d’une vieille table à repasser.

Avec un grognement gériatrique, je tente de reprendre possession de mes membres pour me remettre d’aplomb. Mes gesticulations soulèvent un nuage de poussière qui m’arrache un violent éternuement.

Gé-nial. Non seulement je suis dans un placard à balais, mais en plus dans le placard de quelqu’un qui n’est clairement pas adepte du ménage. Tous ces objets ont l’air de ne pas avoir été touchés depuis un siècle… ou du moins une dizaine d’années.

Une fois passé le choc du réveil, mon corps se rappelle à moi par un éventail de sensations douloureuses et pénibles. Un mal de tête lancinant me fracasse le crâne. Ma bouche est sèche et pâteuse, j’ai la nausée et mon estomac bouillonne de gargouillis acides qui m’incendient l’oesophage. Enfin, la position dans laquelle je me suis réveillée fait que j’ai mal à peu près partout, mes muscles raides et engourdis comme si j’avais été rouée de coups. Je déglutis avec difficulté ce que je peux rassembler de salive. J’ai l’impression d’être en proie à une monumentale gueule de bois — du genre dont on met plusieurs jours à se remettre — sauf que je ne me souviens pas d’avoir bu la veille.

Parce que je ne me souviens de rien, en fait. Cette réalisation, qui devrait me submerger de panique, me fait simplement marquer une pause contemplative. Mon cerveau est agréablement vide : pas le début d’une évocation, d’une compréhension, pas la moindre explication pour ce qu’il m’arrive. En contraste avec les milliers d’alertes physiques que me renvoie mon corps meurtri, ce vide est presque apaisant.

Avant toute chose, il faudrait que je sorte de ce placard à balais. Ce n’est pas un endroit pour une jeune femme. Pour le reste, on verra après.

Je tâtonne dans l’obscurité jusqu’à ce que mes doigts rencontrent les charnières métalliques de la porte du placard, puis je pousse.

Partager...

8 commentaires

    1. Lev

      Le plus intéressant c’est que la dernière fois qu’on la vue dans le Château (j’ai du me replonger dans le vieilles pièces de 2014 parce que je n’en avais qu’un souvenir très limité), elle était avec les persos de la saga CHUTES, PROPHÉTIES ET ASSIMILÉES… Moi même j’avais oublié que ça se finissait comme ça ! Vivement la prochaine réunion AA (Amnésiques Anonymes)

  1. Une pièce très agréable à lire ! J’apprécie beaucoup ton style un peu sarcastique et très dynamique, notamment l’expression de « grognement gériatrique » que je trouve géniale.
    Il faudrait faire une étude sur les pertes de mémoire dans le Château… !

  2. Un autre placard à balais ? Louvelo est une habituée du genre ? Ou alors comme elle a perdu la mémoire, elle erre en boucle dans le même placard ? Elle croit en sortir, perd la mémoire, réalise qu’elle est dans un placard à balais. Elle croit en sortir, perd la mémoire, réalise qu’elle est dans un placard à balais. Elle… ok j’arrête ^^

  3. Lev

    Le nom de l’exploratrice n’a pas l’air de s’être enregistré alors que je l’avais bien renseigné :-((
    Bref : encore un.e explorateur.ice amnésique dans ce Château ! Personne pour écrire LE CABINET DU NEUROLOGUE pour soigner tous ces trous de mémoire ?

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

CHÂTEAU CENT MILLE PIECES

GRATUIT
VOIR